L’Espérance Sportive de Tunis (EST) est l’un des clubs les plus emblématiques du football africain et arabe. Fondé en 1919, le club s’est construit une identité populaire forte, un palmarès prestigieux et une influence qui dépasse largement les frontières tunisiennes. Son histoire est marquée par une résilience sportive, sociale et culturelle. Aujourd’hui encore, l’Espérance incarne l’excellence du football tunisien et continental.

Origines et Fondation : Naissance d’une Légende (1919)

L’Espérance Sportive de Tunis, l’un des clubs les plus emblématiques du football tunisien et africain, voit le jour dans un contexte historique chargé, marqué par la domination coloniale, les discriminations sociales et l’éveil d’une conscience identitaire.

Un contexte colonial exclusif

Au début du XXe siècle, le football en Tunisie, introduit par les colons européens, est un sport réservé aux élites coloniales. Les premiers clubs comme le Racing Club, le Stade gaulois, ou encore le Club italien, participent aux compétitions locales dès 1910, sans la moindre représentation tunisienne. Seuls quelques jeunes musulmans, souvent issus de milieux instruits, trouvent une place marginale dans certains clubs comme le Stade africain, un club franco-arabe à majorité française.

En 1917, après la Première Guerre mondiale, une coupe franco-arabe est organisée. Elle se termine dans la violence lors de la finale entre le Stade africain et le Stade tunisois, exclusivement juif. Ces tensions communautaires entraînent l’interdiction des manifestations sportives, aggravant les divisions sociales déjà très marquées.

La volonté de fonder un club musulman

Dans ce climat de ségrégation, Mohamed Zouaoui, alors garde-matériel au Stade africain, prend l’initiative de fonder un club exclusivement musulman. Accompagné de Hédi Kallel et Othman Ben Soltan, il se réunit dans un petit café situé à Bab Souika, au cœur de la médina de Tunis : le café de l’Espérance, dont le club tirera son nom.

Cette décision est une réaction directe à la fusion du Stade africain avec le Stade tunisois, qui donne naissance à l’Union Sportive Tunisienne (UST), perçue comme un club communautaire dominé par des joueurs juifs après le départ de ses membres musulmans. Pour Zouaoui et ses compagnons, il devient crucial de créer une équipe représentative de la jeunesse musulmane tunisienne, porteuse d’une identité culturelle et religieuse distincte.

Une autorisation coloniale obligatoire

Conformément aux lois coloniales en vigueur à l’époque, la création de toute association sportive exige la présence d’un président français. C’est ainsi que Louis Montassier, un fonctionnaire de l’administration coloniale, est sollicité pour assumer ce rôle symbolique. Grâce à son soutien, le décret d’autorisation est officiellement délivré le 15 janvier 1919, marquant la naissance officielle de l’Espérance Sportive de Tunis.

 Le premier bureau directeur et les débuts en compétition

Le premier bureau directeur de l’EST se compose comme suit :

  • Louis Montassier (président),
  • Mohamed Hentati (vice-président),
  • Allala Reguig (secrétaire général),
  • Larroussi Ben Osmane (trésorier),
  • Hédi Kallel (trésorier adjoint),
  • Mohamed Zouaoui et Manoubi Nouri (membres).

La première équipe engagée lors de la saison 1919-1920 dans le championnat de Tunisie – Promotion d’Honneur (2e série) est composée de jeunes joueurs motivés, âgés en moyenne de 18 à 20 ans :

Composition de l’équipe :

  • Gardien : Habib Trabelsi
  • Défense : M’hamed Zouaoui, Hassen Bouderballa
  • Milieu : Hédi Kallel, Tahar Zouari, Othman Ben Soltane
  • Attaque : Hassine Bouderballa, Tahar Ben Labiedh, Mohamed Zouaoui, Allal Gaiji, Hédi Ben Ammar
  • Remplaçants : Sadok Bech Baouab, Abdelhamid Tebourbi, Chérif Bouderbala

Malgré des débuts modestes et les difficultés liées à l’encadrement et au financement, cette première génération pose les bases d’un club qui deviendra, un siècle plus tard, l’un des plus titrés d’Afrique.

Un symbole du nationalisme sportif tunisien

Très vite, l’Espérance devient plus qu’un simple club. Refusant de recruter des joueurs français, italiens ou juifs — contrairement à des clubs comme l’UST ou le Club Africain —, l’EST s’affirme comme le porte-étendard d’une identité tunisienne musulmane. En ce sens, sa création n’est pas seulement un acte sportif, mais un geste fondateur dans l’histoire du nationalisme tunisien, bien avant l’indépendance du pays.

L’ancrage territorial à Bab Souika, la politique de recrutement identitaire et l’attachement à des valeurs communautaires font de l’Espérance un véritable phénomène social, bien au-delà du terrain.

Premiers Succès : L’Ascension d’un Club National (1920–1956)

L’histoire glorieuse de l’Espérance Sportive de Tunis prend un tournant décisif dès le début des années 1920, avec l’arrivée de figures emblématiques et les premiers jalons d’une reconnaissance sportive à l’échelle nationale et régionale.

L’arrivée de Chedly Zouiten et les couleurs sang et or

En 1920, l’EST recrute un jeune lycéen prometteur, Chedly Zouiten, dont l’apport va transformer durablement l’image du club. Il offre un jeu de maillots à bandes verticales rouges et jaunes, inspiré des couleurs catalanes, qui deviendront les couleurs officielles et éternelles de l’Espérance. Ce changement symbolique marque le début d’une nouvelle ère.

L’engagement de leaders historiques

Chedly Zouiten, profondément investi, devient membre du comité directeur en 1923, puis est nommé président du club en 1931. Durant cette période, plusieurs personnalités majeures de la Tunisie militante s’engagent dans la gestion du club. Le 29 juin 1930, l’EST compte parmi les membres de son comité directeur un certain Habib Bourguiba, futur fondateur de la République tunisienne.

Comité directeur de l’EST en 1930 :

  • Président : Mustapha Kaak
  • Vice-présidents : Hamouda Boussen, M’hamed Bourguiba
  • Secrétaire général : Ridha Kamoun
  • Secrétaire général adjoint : Mongi Karoui
  • Trésorier : Hamouda Boussen
  • Trésorier adjoint : Mohamed Zouaoui
  • Assesseurs : Habib Bourguiba, Mohamed Hajouj, Mokhtar Ben Abid, Moncef Okbi

La présence de figures politiques dans l’organigramme du club confirme son rôle de vecteur du nationalisme tunisien, bien au-delà du cadre sportif.

Une montée difficile vers l’élite

Sous la direction de Zouiten, le club traverse une période complexe, frôlant parfois l’abandon. Mais la persévérance finit par payer : en 1936, l’Espérance obtient sa promotion en Division d’Honneur de la Ligue de Tunisie, un tournant majeur. Un an plus tard, le club atteint la finale de la Coupe de Tunisie (1937), mais s’incline face au Stade Gaulois.

Premier titre majeur en 1939

En 1939, l’Espérance écrit une page historique en remportant sa première Coupe de Tunisie, en s’imposant 4-1 contre l’Étoile Sportive du Sahel. Ce succès lance véritablement le palmarès du club et affirme sa montée en puissance face aux formations coloniales dominantes.

Une épopée régionale en Coupe d’Afrique du Nord

En 1955, l’Espérance est choisie pour représenter la Ligue de Tunisie en Coupe d’Afrique du Nord, compétition prestigieuse regroupant les meilleures équipes des colonies françaises.

  • 1er janvier 1955 : victoire 3-1 contre l’AS Bône (Algérie)
  • 22 janvier 1955 : victoire 1-0 contre le Fath Union Sports (Maroc)
  • 20 février 1955 : défaite en quart de finale contre le SC Bel Abbès (2-1)

Bien que l’aventure s’arrête en quart, cette participation marque l’intégration de l’EST dans les joutes maghrébines et confirme son statu[t] de grand club régional.

Une équipe de haut niveau avant l’indépendance

Entre la Seconde Guerre mondiale et l’indépendance en 1956, l’Espérance dispose d’un effectif de tout premier plan. Le club bénéficie notamment du renfort de joueurs algériens, à l’image d’Abdelaziz Ben Tifour, futur héros de l’équipe du FLN. Les clubs européens (français, italiens, maltais), longtemps dominateurs, doivent désormais composer avec un club tunisien “indigène” ambitieux, combatif et organisé.

Palmarès de l’Espérance Sportive de Tunis

L’équipe est classée à la septième place du classement des meilleurs clubs africains du XXe siècle dressé par l’IFFHS. Elle est aussi désignée cinquième équipe africaine du XXe siècle en 2000 par la Confédération africaine de football, et prend la tête du classement africain des clubs en 2018.

National

Championnat de Tunisie (34 titres)
Champion : 1942, 1959, 1960, 1970, 1975, 1976, 1982, 1985, 1988, 1989, 1991, 1993, 1994, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2006, 2009, 2010, 2011, 2012, 2014, 2017, 2018, 2019, 2020, 2021, 2022, 2024, 2025
Vice-champion : 1939, 1947, 1951, 1952, 1955, 1958, 1961, 1964, 1974, 1980, 1986, 1990, 1995, 1997, 2013, 2016, 2023

Coupe de Tunisie (15 titres)
Vainqueur : 1939, 1957, 1964, 1979, 1980, 1986, 1989, 1991, 1997, 1999, 2006, 2007, 2008, 2011, 2016
Finaliste : 1937, 1945, 1947, 1959, 1969, 1971, 1976, 2004, 2005, 2020, 2023

Supercoupe de Tunisie (7 titres)
Vainqueur : 1960, 1994, 2001, 2018, 2019, 2021, 2024

Autres compétitions nationales

  • Coupe Hédi Chaker : 1968
  • Critérium Hamda Laouani : 1978

Régional

Coupe arabe des clubs champions (3 titres)
Vainqueur : 1993, 2009, 2017
Finaliste : 1986, 1995

Coupe nord-africaine des vainqueurs de coupe (1 titre)
Vainqueur : 2008

Coupe nord-africaine des clubs champions
Finaliste : 2009

Supercoupe arabe (1 titre)
Vainqueur : 1996

Coupe du Maghreb des clubs champions
Finaliste : 1971

International

Ligue des champions de la CAF (4 titres)
Vainqueur : 1994, 2011, 2018, 2019
Finaliste : 1999, 2000, 2010, 2012, 2024

Supercoupe d’Afrique (1 titre)
Vainqueur : 1995
Finaliste : 1999, 2012, 2019, 2020

Coupe afro-asiatique (1 titre)
Vainqueur : 1995

Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe (1 titre)
Vainqueur : 1998
Finaliste : 1987

Coupe de la CAF (1 titre)
Vainqueur : 1997

Les Présidents de l’Espérance Sportive de Tunis

Depuis sa création en 1919, l’Espérance Sportive de Tunis a connu une succession de dirigeants qui ont marqué son histoire, contribuant chacun à leur manière à faire du club l’un des plus grands d’Afrique. Du premier président français Louis Montassier au président emblématique Hamdi Meddeb, les hommes à la tête de l’EST ont accompagné l’évolution du club à travers les décennies, dans les bons comme dans les moments plus difficiles.

Liste des présidents du club

PaysNomPériode
FranceLouis Montassier1919
TunisieMohamed Malki1919 – 1922
TunisieAbdeljelil Zaouche1922 – 1923
TunisieSliman Ben Ali1923 – 1925
TunisieMohamed Zouaoui1925 – 1926
TunisieMustapha Kaak1926 – 1931
TunisieChedly Zouiten1931 – 1963
TunisieMohamed Ben Smaïl1963 – 1968
TunisieAli Zouaoui1968 – 1971
TunisieHassen Belkhodja1971 – 1981
TunisieNaceur Knani1981 – 1984
TunisieAbdelhamid Achour1984 – 1985
TunisieMoncef Zouhir1985 – 1986
TunisieMondher Zenaidi1986 – 1987
TunisieHédi Djilani1987 – 1989
TunisieSlim Chiboub1989 – 2004
TunisieAziz Zouhir2004 – 2007
TunisieHamdi Meddeb2007 – aujourd’hui

Entraîneurs de l’Espérance Sportive de Tunis depuis la création du club

Depuis sa fondation, l’Espérance Sportive de Tunis a connu une riche histoire marquée par le passage de nombreux entraîneurs, tunisiens et étrangers, qui ont façonné le club et contribué à son succès national et continental. Ces entraîneurs ont apporté leurs expertises diverses, reflétant l’évolution tactique et stratégique du football tunisien à travers les décennies. Voici la liste complète des entraîneurs qui se sont succédé à la tête de l’équipe, avec leurs périodes respectives :

PaysEntraîneurPériode
TunisieHammadi Ben Ghachem1938–1939
TunisieHachemi Cherif1942–1959
TunisieHabib Draoua1959–1961
TunisieHachemi Cherif (2ᵉ mandat)1961–1962
FranceJean Baratte1962–1963
TunisieAbderrahmane Ben Ezzedine1963–1966
HongrieSándor Pázmándy1966–1968
FranceRobert Domergue1968–1969
TunisieAbderrahmane Ben Ezzedine (2)1969–1971
TunisieSlah Guiza1971
TchécoslovaquieVladimír Mirka1971–1973
TunisieHmid Dhib1973–1976
TunisieAbderrahmane Ben Ezzedine (3)1976
YougoslavieStjepan Bobek1976–1978
TunisieMokhtar Tlili1978–1981
TunisieHmid Dhib (2ᵉ mandat)1981–1982
TunisieMrad Mahjoub1982–1983
FranceRoger Lemerre1983–1984
BrésilAmarildo Tavares da Silveira1984–1987
PologneAntoni Piechniczek1987–1990
PologneWładysław Żmuda1990–1991
YougoslavieAnton Donchevski1991–1992
PologneZdzisław Podedworny1992–1993
TunisieFaouzi Benzarti1993–1996
ItalieLuigi Maifredi1996
TunisieKhaled Ben Yahia1996–1997
TunisieYoussef Zouaoui1997–2002
SuisseMichel Decastel2002–2003
ArgentineOscar Fulloné2003–2004
SuisseClaude Andrey2004–2005
TunisieKhaled Ben Yahia (2)2005–2006
FranceJacky Duguépéroux2006–2007
TunisieFaouzi Benzarti (2)2007
TunisieAli Ben Néji2007
BrésilCarlos Roberto Cabral2007
TunisieYoussef Zouaoui (2)2007–2008
BrésilCarlos Roberto Cabral (2)2008
PortugalJosé Morais2008–2009
TunisieFaouzi Benzarti (3)2009–2010
TunisieMaher Kanzari2010
TunisieNabil Maâloul2010–2012
SuisseMichel Decastel (2)2012
TunisieNabil Maâloul (2)2012–2013
TunisieMaher Kanzari (2)2013
FranceSébastien Desabre2013–2014
Pays-BasRuud Krol2014
FranceSébastien Desabre (2)2014
TunisieKhaled Ben Yahia (3)2014–2015
PortugalJosé Morais (2)2015
FranceJosé Anigo2015
TunisieAmmar Souayah2015–2017
TunisieFaouzi Benzarti (4)2017
TunisieMondher Kebaier2018
TunisieKhaled Ben Yahia (4)2018
TunisieMouine Chaabani2018–2021
TunisieRadhi Jaïdi2021–2022
TunisieNabil Maâloul (3)2022–2023
TunisieMouine Chaabani (2)2023
TunisieTarek Thabet2023–2024
PortugalMiguel Cardoso2024
RoumanieLaurențiu Reghecampf2024–2025
TunisieMaher Kanzari (3)2025–

Évolution des logos de l’Espérance Sportive de Tunis depuis 1919

Depuis sa fondation, l’Espérance Sportive de Tunis a connu plusieurs changements dans son identité visuelle. Voici un aperçu chronologique des différents logos qui ont marqué l’histoire du club :

Logo historique en 1919
Logo historique en 1919
Logo ancien
Logo en 1924
Logo en 1950
Logo en 1969
Logo en 1987
Logo en 1987
Logo ancien
Logo ancien
Logo en 2005
Logo en 2005
Logo esperance sportive tunis taraji 2012 2025
Logo actuel (à partir de 2012)

Les Supporters “Sang et Or” : Une Passion Légendaire

FAQ TARAJI

Quand a été fondée l’Espérance de Tunis ?

L’Espérance Sportive de Tunis a été fondée le 15 janvier 1919 dans le quartier de Bab Souika à Tunis, au “Café de l’Espérance”.

Combien de fois l’Espérance a-t-elle gagné la Ligue des Champions africaine ?

L’EST a remporté la Ligue des Champions de la CAF 4 fois : en 1994, 2011, 2018 et 2019, ce qui en fait le club tunisien le plus titré au niveau continental.

Quel est le principal rival de l’Espérance ?

Le principal rival de l’EST est le Club Africain, avec qui elle dispute le célèbre Derby de Tunis, l’un des matchs les plus passionnés du football africain.

Pourquoi l’Espérance est-elle surnommée “Sang et Or” ?

Ce surnom provient des couleurs emblématiques du club : le rouge (le sang) symbolisant la passion et le jaune (l’or) représentant la richesse et la noblesse.

Qui est le président actuel de l’Espérance de Tunis ?

Hamdi Meddeb est le président de l’EST depuis 2007, ayant mené le club vers ses plus grands succès continentaux et sa modernisation.

Quel est le stade de l’Espérance de Tunis ?

L’EST joue au stade Hammadi Agrebi à Radès, d’une capacité de 60 000 spectateurs, considéré comme l’un des plus beaux stades d’Afrique du Nord.

Combien de fois l’Espérance a-t-elle été championne de Tunisie ?

L’EST détient le record absolu avec 32 titres de champion de Tunisie, confirmant sa domination historique du football national.

Conclusion : L’EST, Mythe Vivant du Football Africain

L’Espérance Sportive de Tunis transcende le simple cadre sportif pour incarner un véritable phénomène culturel et social. Avec plus d’un siècle d’histoire, un palmarès exceptionnel de 32 titres nationaux et 4 couronnes continentales, et une base de supporters parmi les plus passionnées au monde, l’EST représente l’excellence du football tunisien et africain.

En 2025, le club continue d’écrire sa légende, alliant tradition séculaire et modernité technologique, passion populaire et professionnalisme, identité locale et ambition mondiale. L’Espérance Sportive de Tunis demeure ainsi le symbole vivant de l’excellence, de l’ambition et de la passion tunisienne, inspirant des millions de supporters à travers l’Afrique et le monde arabe.