Si l’histoire de l’Espérance Sportive de Tunis est portée par de grands dirigeants sportifs, certains d’entre eux ont également marqué l’histoire politique et intellectuelle de la Tunisie. Mustapha Kaak en est un exemple éloquent. Président de l’Espérance de 1926 à 1930, il fut également avocat, homme politique et acteur majeur de la vie intellectuelle tunisienne sous le protectorat français.
Un dirigeant multidimensionnel
Juriste de formation, Mustapha Kaak préside l’Espérance durant une période de transition et de structuration du club. Mais son engagement dépasse largement le cadre sportif. Il fut président de l’Association des anciens élèves du collège Sadiki et de l’association musicale La Rachidia, institutions symboliques du renouveau culturel et éducatif tunisien du début du XXe siècle.
Son rôle à la tête de l’Espérance s’inscrit dans une vision globale : celle d’un club sportif comme pilier d’une identité tunisienne en construction, à travers la culture, l’éducation et le sport.
Président de l’Espérance (1926–1930)
Durant son mandat, Mustapha Kaak œuvre à la consolidation des structures du club. Il apporte une organisation plus rigoureuse, renforce l’encadrement des jeunes joueurs et développe les relations du club avec d’autres institutions sportives. Ces efforts permettent à l’Espérance d’aborder les années 1930 avec une meilleure stabilité et une image renforcée.
Son influence est également symbolique : sa stature politique et intellectuelle donne au club une reconnaissance supplémentaire dans les cercles influents de Tunis.
Un parcours politique sous le protectorat
Après sa présidence à l’Espérance, Mustapha Kaak poursuit un parcours politique intense. En juillet 1947, il devient le premier avocat musulman élu bâtonnier du barreau de Tunis, un fait inédit sous le protectorat français. Cette nomination, encouragée par le résident général Jean Mons, vise à donner une légitimité supplémentaire aux institutions coloniales, mais elle suscite la critique du mouvement national tunisien.
Confronté à la pression du Néo-Destour, Kaak démissionne en octobre 1947.
Le 19 juillet 1947, il est nommé grand vizir par Lamine Bey. En tant que chef du gouvernement tunisien, il tente d’ouvrir le dialogue avec le Néo-Destour, proposant notamment à Salah Ben Youssef d’intégrer son cabinet – en vain. Son gouvernement initie les travaux de la Majallah, ancêtre du futur Code du statut personnel, rédigé par son ministre de la Justice, Mohamed Abdelaziz Djaït.
Il quitte ses fonctions de grand vizir le 16 août 1950.
Une figure controversée mais influente
Mustapha Kaak reste une figure complexe. Pour le Néo-Destour, il incarne une ligne jugée trop conciliante avec la puissance coloniale. Mais son objectif fut avant tout d’éviter les affrontements, en cherchant un équilibre entre réformes et stabilité. À travers ses fonctions, il a néanmoins contribué à faire avancer certaines idées réformatrices, dans un contexte politique tendu.
Pour aller plus loin
Consultez l’histoire complète de l’Espérance Sportive de Tunis sur :
https://taraji.world/esperance-sportive-de-tunis/
Conclusion
Mustapha Kaak est l’un des rares présidents de l’Espérance à avoir laissé une empreinte aussi forte à la fois dans le sport, la culture et la politique. Son mandat (1926–1930) a permis au club de gagner en crédibilité institutionnelle, tandis que son parcours national reflète les dilemmes d’une époque marquée par le combat entre réformisme et revendication d’indépendance. Une personnalité à redécouvrir, tant pour sa contribution au football tunisien que pour son rôle dans l’histoire du pays.